Coucou,
Je n'ai pas pu en mettre plus car je dépassais la longueur maximale du message mais voici, comme promis, les premières pages de lignes de sang :
Prologue
Lyon, janvier 2007
— Je suis désolée…
— Rien à foutre de tes putains d’excuses ! Tu m’as trahi…
T’es qu’une traînée !!, hurla l’homme, la rage au ventre et la
bave aux lèvres.
— Je t’en prie, ne le prends pas comme ça.
— Ne pas le prendre comme quoi ?! Tu te fous de moi ? Me
faire ça à moi ! Tu pensais quoi ? Que t’allais m’entuber si
facilement ?
— Je t’en conjure, détache-moi…
— La ferme ! C’est la dernière fois que je te le dis !
La femme insista et tenta de l’amadouer. La situation était
totalement aberrante.
— Calme-toi, Poussin… C’était une connerie. Ça ne vaut pas
le coup de te mettre dans cet état.
L’homme, empourpré et haletant d’émotion, fit le tour de la
chambre comme un lion en cage. Il sentait le flux et le reflux
sanguins déferler contre les parois de ses tempes.
Fou de colère, il lança un regard méprisant à la femme étendue
à plat ventre sur le lit, les pieds et les mains solidement
scotchés aux barreaux.
— Je vais te faire passer le goût de la trahison ! Je vais te
punir… Une punition dont tu te souviendras.
Quand il était rentré à l’improviste, il l’avait surprise en pleine
partie de jambes en l’air avec un type. Lui avait déjà payé…
Elle allait bientôt passer à la caisse.
— S’il te plaît, détache-moi !, reprit-elle avec la même énergie.
On va parler tranquillement. Essaye de te calmer, nom de
Dieu !
— Ta gueule ! Je ne veux plus t’entendre. Regarde ce que j’ai
fait à cause de toi, bordel ! On ne peut plus revenir en arrière.
L’amant était, en effet, définitivement immobile. Calé dans la
baignoire comme une poupée de chiffons, il baignait dans son
sang, la gorge déchirée d’un large sourire écarlate.
La femme changea de stratégie. Il avait pété les plombs. Il
allait la massacrer. Toutes les excuses du monde n’y
changeraient rien.
Elle décida de jouer la carte du rentre-dedans afin de
déclencher un électrochoc chez cet homme qu’elle ne
reconnaissait plus.
— Écoute… Ce petit jeu ne me fait pas rire du tout… Si
t’avais été plus présent, peut-être qu’on aurait pu éviter tout
ça…
— Tais-toi !, reprit-il en fermant les yeux d’exaspération.
— Non, je ne vais pas me taire ! Au contraire… Tu veux la
vérité ? Eh bien, tu vas l’avoir !
— Ferme-la !, aboya l’homme, tremblant d’énervement.
Mais elle continua de plus belle…
— Tu sais pourquoi j’ai baisé avec ce mec ? Hein !? Et
pourquoi j’ai baisé avec des dizaines d’autres ?
Eh bien, parce que lui, il assurait au pieu ! Parce que lui, c’était
un vrai mec, pas une lopette comme toi !
L’homme s’arrêta brusquement. Il ne tenait plus. Chaque
phrase assénée par celle qu’il avait tant aimée le cinglait
comme un violent coup de cravache.
Frissonnant et surexcité, il empoigna le couteau américain qui
traînait encore sur la table et fit miroiter la lame tachée de sang
dans la lumière des spots.
— C’est trop tard ! On ne peut plus faire marche arrière…
— Ne fais pas… çaaaaaaaa… !!!
Quand la lame la traversa dans un craquement effroyable, elle
tressaillit sous une violente secousse nerveuse.
Étonnamment, ce ne fut pas tant sa propre douleur qu’elle
ressentit mais plutôt la souffrance de l’homme qui avait
partagé un morceau de sa vie…
Il venait de basculer dans la folie, laissant sa conscience voler
en une myriade d’éclats.
1.
Lyon, juin 2007
L’homme affalé dans le canapé se releva, énervé, et appuya sur
la télécommande.
Le téléviseur s’arrêta instantanément, coupant la chique au
présentateur météo.
Les informations et leurs lots de mauvaises nouvelles étaient
terminés.
— Tu vois, tout ça me met hors de moi ! Ça devient vraiment
n’importe quoi. Et les flics, tu les as vus, avec leurs nouvelles
techniques d’investigation ? On ne parle plus que de ça…
Conneries… Ramassis de frimeurs… Foutaise… !
Il se servit une nouvelle rasade de vodka, terminant la bouteille
par la même occasion.
« Ouais… Tout ça m’énerve profondément ! Quand je pense
à l’autre demeuré… C’est qui, déjà ? Lieutenant Delpierre ?
T’as vu cette arrogance ? Il n’a pourtant pas de quoi se
vanter !!! C’était une enquête facile. Je l’aime vraiment pas,
celui-là. »
Bon…
Il se leva, alla jusqu’au secrétaire en noyer qui trônait en plein
milieu du mur et en extirpa une chemise en papier cartonné.
L’étiquette, à moitié déchirée, laissait entrevoir quelques-uns
des mots qu’il avait apposés voici plusieurs années.
« ueurs
Série »
Tueurs en Série !
Pourquoi était-il fasciné par ces personnages depuis la fin de
son adolescence ? Pourquoi conservait-il toutes ces foutues
coupures de presse ?
Parce qu’il les admirait… ?
Eux et leur toute-puissance… Eux et leur incroyable
détermination…
Ouais… C’est ça !
Il ouvrit les deux rabats en carton puis posa son regard sur les
premières pages, composées d’extraits de quotidiens et de
commentaires manuscrits.
Et un de plus…
Rageur, il griffonna quelques mots d’une main maladroite puis
remisa le tout dans le meuble.
Son petit passe-temps… sa collection…
Il n’avait plus que ça pour s’occuper… car du temps, il en
avait à revendre. Rendu inutile par la main-d'oeuvre chinoise
bon marché, il avait été viré comme un malpropre de son
entreprise. Pourtant, il lui avait sacrifié presque la moitié de sa
vie professionnelle.
Il se retourna et regarda la femme qui était assise à ses côtés
dans une position étonnamment rigide.
C’est vrai qu’elle n’avait plus grand-chose de l’éclat de sa
jeunesse mais lui, il la trouvait toujours aussi belle et désirable.
Tendrement, il fit glisser ses doigts sur la peau blanche,
presque bleutée, qui chatoyait dans la lumière tamisée du salon
et lui prit la main.
Elle était fraîche - froide, même - et les gouttes qui
commençaient à se former aux extrémités des doigts
squelettiques n’auguraient rien de bon.
« Ça n’a pas l’air d’aller, ma chérie. Tu veux te reposer ? Oui…
C’est préférable. Tu vas aller faire un petit somme, ça te fera
du bien… Je vais juste te recoiffer un peu. »
L’homme prit la brosse métallique qu’il avait rangée avec soin
dans une vieille boîte en carton et commença le mouvement
de haut en bas. Il adorait ce moment.
C’était un des rares instants où il avait l’impression de
communier avec elle.
Les dents de métal rentrèrent sans peine dans la peau fragilisée
du cuir chevelu et tracèrent de fins sillons rouges tout en
arrachant les derniers cheveux qui s’accrochaient
désespérément au crâne.
Soudain, il s’interrompit, comme s’il venait d’avoir une
révélation…
« Non ! Ce n’est pas Delpierre ! J’y suis, maintenant : c’est
Jacques Depierre, lieutenant de police à la Criminelle de Lyon.
Eh bien… on va voir s’il est aussi fort que les médias le
prétendent ! »
2.
Sainte-Foy lès Lyon, 2 février 2008
L’homme se faufila entre les ombres naissantes de cette fin
d’après-midi. Sa proie se tenait devant lui, les bras chargés de
sacs, et marchait à grandes enjambées vers son appartement.
Après plusieurs jours de traque, il l’avait enfin trouvée et dans
peu de temps, il allait passer à sa phase préférée : celle du
contact physique…
La petite filature dura une bonne demi-heure avant qu’elle ne
pénètre dans le hall d’entrée de l’immeuble.
C’était bien l’endroit qu’il avait identifié. Les indications du
fichier s’avéraient une fois encore parfaitement exactes.
Il patienta quelques instants, laissant la nuit engloutir les
dernières lueurs du jour, puis se dirigea d’un pas décidé vers la
porte d’entrée, un sac de voyage à la main.
Il n’avait pas de temps à perdre. S’il voulait réaliser tout ce
qu’il avait prévu, il devait même prendre le taureau par les
cornes.
L’appartement de la jeune femme se trouvait au quatrième
étage. Il ignora l’ascenseur, trop risqué à son goût, et emprunta
les escaliers en colimaçon.
Au fil de son ascension, il récapitula le scénario qu’il avait
imaginé. Elle allait le supplier… Il allait adorer… Elle allait
payer… Il se nourrirait de sa souffrance.
Un large sourire aux coins des lèvres, il déboucha sur le palier
rougi par la lumière des veilleuses. La porte de la jeune femme
se dressait devant lui comme un dernier rempart.
Avec calme et minutie, il enfila une paire de gants en latex
puis, telle une bête sauvage, scruta attentivement les alentours
et tendit l’oreille.
Personne…
Le moment idéal pour agir.
Il jaillit de l’ombre en un éclair et se retrouva devant le lourd
battant en bois massif. Il déposa immédiatement un morceau
de chatterton sur le judas et appuya sur la sonnette.
Après un bref instant de silence, des pas résonnèrent derrière
la cloison. Elle venait… Elle venait se jeter tout droit dans la
gueule du loup.
Plus le bruit des talons s’amplifiait, plus il sentait son coeur
s’emballer.
Elle allait ouvrir… Cette petite conne allait ouvrir…
Alors que l’excitation le gagnait et que son entrejambe se
dilatait sous l’effet des flashs qui commençaient à envahir son
cerveau, le verrou se mit en action.
De la souffrance… du sexe… du sang… la mort. Des dizaines
d’images se télescopaient à présent dans son esprit. Elles
étaient presque palpables.
Dans dix secondes, elle serait à lui… Dans dix secondes, il
s’emparerait d’elle pour toujours.
Quand la porte s’entrebâilla, il se rua sur elle.
...