l'étourdissement de Joël Egloff

Dévoré hier soir, en une bouchée!
Citation:
Le matin ne ressemble pas à lidée qu'on se fait du matin. Si on n'a pas l'habitude, on ne le remarque même pas. La différence avec la nuit est subtile, il faut avoir l'oeil.C'est juste un ton plus clair. Même les vieux coqs font plus la distniction.
Certains jours, l'éclairage public ne s'éteint pas. Le s'est levé pourtant, forcément, il est là quelque part au-dessus de l'horizon, derrière les brumes les fumées, les nuages lourds et les poussières en suspension.
Il faut imaginer un sale temps par une nuit polaire. C'est à çà qu'elles ressemblent nos belles journées

Un humour irrésisistible, qu'illumine une réelle poésie, fait le charme de ce quatrième roman de Joël Egloff-auteur, entre autres ouvrages, d'"Edmond Ganglion & fils.

Réussir à faire rire d'un univers aussi glauque, c'est vraiment une prouesse. En fait, l'auteur nous livre cet univers avecun regard d'enfant, ce qui donne l'ambiance poétique, mais d'un enfant qui accepte sans question ce qu'il ne pense pas pouvoir changer.

Je me suis aperçu que je connaissais cet auteur car j'avais beaucoup aimé Edmond Ganglion, que j'ai ressorti de l'étagère pour le relire et vous faire un post

Prix du Livre Inter 2005

Il est pratiquement impossible de résumer cette petite merveille, remarquable de drolerie franchouillarde, d'humour noir et d'émouvante tranches de vie...Les différents chapitres peuvent être lus dans le désordre car il s'agit souvent d'une suite de souvenirs; je défie quiconque de trouver ce livre sans intérêt...Peut-on rire de ce qui se passe dans un abattoir? vous rierez ! Mes passages préférés: "une journée dans le brouillard", "on doit tuer le boeuf"...Terrible

C'est le prix du livre Inter de l'an dernier, le narrateur et sa mère sont très attachants et c'est souvent euhhh... original puisque certaines scènes ont lieu dans un abattoir!!!

Moka

SANS VOULOIR PARAPHRASER...

A noter que Joël Egloff est également l'auteur de 'Ce que je fais là assis par terre' en 2003 pour lequel il obtint le Grand prix de l'humour noir.
Et l'humour est également noir dans L'étourdissement .

Mon passage préféré reste, comme zaius, le chapitre ou le narrateur erre toute une journée, perdus dans le brouillard à la recherche de l'abattoir.
Mais c'est très réducteur : il y aurait aussi les vacances à la station d'épuration ( avoir La station de Jeanne CHERHAL en fond sonore à la lecture de ce chapitre.. ça met dans l'ambiance!) et la pêche dans une rivière si polluée que les poissons préfèrent se jeter sur l'hameçon plutôt que de retourner dans la rivière:
« Les jours de repos, coûte que coûte, faut se changer les idées. J’en connais qui vont pêcher, le dimanche à l’aube, du côté de la rivière qui mousse. Bortch en fait partie. Ça mord bien là-bas, paraît-il. Peu importe l’heure, le temps, la lune, même pas besoin d’appâter, les poissons font pas de manières, ils sont pas compliqués, on peut même gueuler ou sauter sur la berge, si on veut, ça les dérange pas, au contraire. Et si on n’a rien à piquer au bout de son hameçon, c’est pas grave non plus, faut pas s’en faire. Il suffit de mettre sa ligne à l’eau et dans les secondes qui suivent, le bouchon plonge immanquablement. Ils sont pas plus stupides qu’ailleurs, les poissons, c’est pas ça, tout ce qu’il veulent c’est qu’on les sorte de l’eau, qu’on les tire de là.
Dehors, ils respirent beaucoup mieux d’un coup, et puis ça soulage leurs brûlures et leurs démangeaisons, alors ils sont contents. Après on peut bien faire ce qu’on veut avec eux, les laisser crever sur l’herbe ou leur cogner la tête contre une pierre, du moment qu’on les remet pas à la rivière parce qu’ils sont trop petits ou pas beaux, c’est tout ce qu’il demandent. Ils sont pas exigeants.
En passant, je m’arrête quelquefois pour discuter avec les pêcheurs.
– Ça mord pas trop ? je leur demande pour entamer la conversation.
– On va pas se plaindre, ils me répondent. »

L'univers décrit m'a fait pensé à celui de Delicatessen, le film de Jean-Pierre JEUNET : même univers urbain sinistre traité avec décalage.

En bref, je vous conseille vivement cette belle métaphore sur la place de l'homme dans notre monde (pas si "moderne" que ça quand on voit que déjà dans les années 30, Jules ROMAIN décrivait la ville un peu de la même manière même s'il y avait moins d'humour: "Elle nous parle de notre temps à nous, de notre avenir à nous, qui est difficile... Elle n'est pas déprimante, malgré tout.")

Mady. C'est très beau

Pour ceux que cela intéresse, l'étourdissement vient de sortir en poche :

J'ai lu d'autres Egloff et je trouve ça toujour sun peu particulier... Toujours est-il que celui-ci me tente d'après ce que vous en dites...